Monday, January 24, 2011

Human Rights Watch dresse un sombre portrait

Le tremblement de terre qui a secoué Haïti le 12 janvier 2010 a contribué à détériorer la situation des droits de la personne, pourtant déjà difficile dans le pays, note Human Rights Watch (HRW).
Deux sinistrés dans un camp de Leogâne.
Photo: AFP/Thony Belizaire
Deux sinistrés dans un camp de Leogâne.
« Les capacités réduites de l'État depuis le désastre continuent de miner la capacité de l'État à protéger les droits de la personne fondamentaux », conclut l'organisation américaine de défense des droits de la personne.
HRW évoque toute une série de problèmes, dont les violences que subissent les femmes et les filles dans les camps de fortune érigés par les victimes du séisme, des conditions de détention inhumaines, et la vulnérabilité générale des enfants.
« Un taux élevé de violences sexuelles existait avant le tremblement de terre, mais les conditions de sécurité précaires qui prévalent dans les camps rendent les femmes et les filles encore plus vulnérables », peut-on lire dans le rapport.
Il est cependant difficile, dit HRW, d'obtenir des données précises à ce sujet, en raison des données contradictoires de la Police nationale haïtienne à ce sujet.
La police a ainsi fait état de 534 arrestations pour des violences sexuelles entre février et avril 2010. Mais elle n'a rapporté que 20 viols entre janvier et mars 2010 dans un autre rapport.
Cette situation, croit l'organisme, constitue le reflet du manque de coordination gouvernementale dans ce dossier. Le fait que 145 policiers soient morts ou ont disparus lors du séisme, et que 253 autres ont été blessés, n'a fait qu'empirer la situation.
Système de justice exsangue
Le système de justice haïtien, déjà affecté par des considérations politiques, la corruption et un manque de ressources, s'est aussi enfoncé davantage avec le séisme.
Pas moins de 10 magistrats ont perdu la vie dans le séisme, sans compter que le ministère de la Justice et le Palais de justice ont été détruits, et que plusieurs documents ont disparu.
L'organisation américaine note en outre que même si 5400 détenus du pénitencier de Port-au-Prince ont pu prendre la poudre d'escampette lors du séisme - seuls 629 d'entre eux ont été repris -, le problème de surpopulation carcérale est plus criant que jamais. Le manque d'espace, dit-on, créé des conditions encore plus sordides qu'auparavant.
Avant le séisme, 80 % des personnes incarcérées dans les prisons haïtiennes étaient en fait des prévenus en attente de procès. Or la perte de documents judiciaires contribue à prolonger la durée de leur incarcération. Cetains prévenus n'ont jamais été accusés de quoi que ce soit.
HRW souligne aussi que le problème des rapts s'est amplifié depuis le séisme, avec une hausse de 33 % des cas lors des huit premiers mois de 2010 par rapport à 2009, selon des chiffres compilés par les Nations unies.
Des enfants vulnérables
HRW souligne en outre que 4000 écoles ont été détruites par le séisme et que l'éducation de 2,5 millions d'enfants a été interrompue. Lorsque les cours ont repris, il est apparu évident que le nombre d'écoliers était considérablement réduit par rapport à ce qu'il était avant le séisme.
Le rapporteur spécial sur les formes contemporaines d'esclavage de l'ONU a pour sa part souligné que les orphelins du séisme sont susceptibles de devenir des esclaves employés comme domestiques, appelés « restaveks ».
En 2009, Haïti comptait déjà plus de 150 000 de ces enfants - des filles pour la plupart - qui ne sont ni payés, ni instruits et qui sont soumis à des violences physiques et sexuelles.
HRW déplore enfin que trois voix qui dénonçaient les problèmes des droits de la personne en Haïti se soient tues au terme du séisme. Il s'agit de Myriam Merlet, d'Enfofamn, Magalie Marcelin, de Kay Fanm, et d'Anne Marie Coriolan de Solidarité Fanm Ayisen.
L'Union européenne et les Nations unies épinglées
Le rapport de HRW a été dévoilé officiellement à Bruxelles, en Belgique. L'organisation veut ainsi souligner le fait que l'Union européenne préfère dialoguer en coulisse avec des régimes répressifs plutôt que de dénoncer leurs exactions.
« Les déclarations routinières en faveur du "dialogue" et de la "coopération" avec des gouvernements répressifs ne servent que trop souvent d'excuses pour justifier l'inaction face aux atteintes aux droits humains », affirme le directeur général de l'organisation, Kenneth Roth.
« Les "dialogues constructifs" de l'UE comptent parmi les exemples les plus flagrants de cette tendance que l'on retrouve un peu partout dans le monde », ajoute-t-il.
HRW admet que le dialogue et la coopération constituent des éléments importants de toute stratégie visant à mettre fin à des violations de droits de la personne.
Elle considère néanmoins qu'en « l'absence d'une réelle volonté politique de la part d'un gouvernement de respecter ces droits, exercer une pression sur ce gouvernement peut l'inciter à revoir son analyse coût-bénéfice qui l'a amené à opter pour la répression. »
« Lorsque les gouvernements exposent ou condamnent les exactions, subordonnent l'octroi d'une aide militaire ou budgétaire à l'élimination des atteintes aux droits humains, ou exigent que leurs auteurs soient jugés et punis, les gouvernements répressifs se retrouvent avec un coût plus élevé à payer », conclut HRW.


http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/2011/01/24/003-haiti-hrw-droits.shtml

No comments:

Post a Comment